ALICE BABIN
" Il faudrait écrire pour un journal comme on marche dans la rue."
Marguerite Duras, L'été 80
La Slovénie...
"l'un des plus petits pays d'Europe"
C’est toujours comme cela qu’on la décrit, dans nos médias français, la Slovénie.
Petite, protégée, ayant échappé au pire. Elle ne ferait d’ombre à personne, et se satisferait de peu.
Les fleurs y sont jolies, l’herbe bien tondue, et les slovènes ont l’eau la plus riche en magnésium du monde : la Donat Mg.
Première à être devenue indépendante en 1991, elle fut un candidat sans faille pour intégrer l’Europe, et reçu donc son titre en 2004 avec la Hongrie, la Slovaquie, l’Estonie et les autres voisins en « ie ».
Depuis, on ne s’en plaint pas. Avec son vin sucré et ses rivières protégées qui font la joie des touristes, la Slovénie vit sa vie, en bonne élève de la famille « Balkans ».
À Jeruzalem, un vieil homme en marcel blanc fait le tour de son jardin. Il ramasse deux pêches mûres à point. Approchez, elles sont pour vous. Ils sourit. "Le soleil, c'est bon pour les fruits".
Adrénaline -
Sur des étendues et des étendues, la Slovénie vit sa vie, sous le regard sérieux de son mont Triglav, 2864m d’altitude, qui veille. Il vous rappelle qu’à chaque virage, la nature, c’est le sommet.
Un pied dans une Europe économique où l’on ne parle pas l’anglais et l’autre au champ, à la ferme…aux thermes… Certains mots semblent parler à tout les slovènes. Rafting, kayaking, trecking, hiking, biking, motocrossing.
Kristiana a 23 ans et étudie à Ljubjana, la capitale. Elle porte un maillot Mitshubishi.
Plus tard elle sera ingénieure, mais en Allemagne, ou en Hongrie. Pour gagner plus d’argent. Car ici, en tant qu’ingénieure, elle n’atteindra jamais plus de 1200€ alors qu’en Allemagne elle pourra travailler pour le double, voir plus.
L’été, elle travaille comme vendeuse au Centre Commercial BTC City, dans un magasin d’équipement sportif ; l’équivalent de notre Décathlon. Elle est payée 4€ l’heure.
« Et encore, là ils payent ! Le patron est sympa. Sinon ailleurs ils ne payent pas vraiment les étudiants… We don’t care about studient », imite-elle en souriant.
« Ils sont bêtes de penser que la Slovénie peut se suffire de son bon vin, de son lac et de ses chants traditionnels. » Elle dit que même les réfugiés ne s’arrêtent pas en Slovénie : « Ils ne savent probablement pas que le pays existe sur la carte. Ou bien ils pensent que nous sommes encore un vieux pays communiste, pauvre. »
Plus tard elle reviendra en Slovénie, mais pour la motocross, pour l’ « adrénaline ».
Sur les murs de la ville, le mot LGBT est souvent barré, en gros, en gras. « Gay » écrit en rouge deviendra barré en noir.
Autour, ça sent la vache, les champs. Une odeur bien installée, qui s’efface parfois pour laisser place à l’odeur de l’herbe fraichement tondue.
Presque toutes les maisons sont en bois, presque toutes ont une réserve de bois, et toutes sont fleuries.
À Bled, certaines participent à des concours floraux européens.
DUPE OU PAS ? -
Évènement : Vladimir Poutine vient commémorer les cent ans de la chapelle Kranjska Gora, une chapelle russe centenaire, en bois. C’est prévu, il passera aussi au Lac de Bled, où Melania Trump passe d'ailleurs ses vacances.
La veille, les journaux télévisés préparent son arrivée, en boucle. Là où il dormira, là où il déjeunera, dans quel avion il voyagera. Alors, Poutine à Bled, bien ou pas bien ? « Yes, good. Because promotion ! » Répond Dejan Jures, viticulteur.
Promotion… et discussion. Selon le porte-parole de Vladimir Poutine, la visite aura aussi eu pour objet « les relations bilatérales et les liens d’affaires ». "Nasdrovia !" {Santé...}. Et l'Europe grince des dents.
Bled frétille dans tout les sens, dans toutes les langues. Les bateaux passent et repassent sur le lac, immuable, les tentes se montent et se démontent et les hôtels de luxe blanchissent et reblanchissent les peignoirs après chaque départ.
Si la Slovénie joue dans une cour, on ne sait pas bien dans laquelle. À la ville ou à la campagne, à l'ouest ou à l'est, ouverte ou fermée, dupe ou pas. Peut-être vit-elle simplement sa vie, en picorant à droite et à gauche, en conservant ce en quoi elle croit.
Ca fait bizarre un pays loin des traditionnelles normes, catégories. À l'écart du "système".
En attendant, Kristina n'est pas seule à vouloir partir pour travailler : À la rentrée, Hyarin part pour étudier le théâtre, en Écosse.
Et Dejan, le viticulteur, a appelé une de ses bouteilles de Muscat "Illuminati". Pourquoi ? "Marketing..." explique-t-il, un sourire en coin.
Le système les appelle...
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BONUS -
Après la messe, mariez-vous en tongs.
11h30 : Le demi se fait rare.
La pinte est au même prix que le café.
Aucun portable sur les tables.
Quand ils sont servis, la patronne s'asseoit pour une pause. Elle ne se laisse pas faire et ça les fait rire.
Chaque nouvel arrivant est un nouveau coéquipier. Pour se dire au revoir c'est très simple, car demain arrive vite.
Le temps passe, et il semble bien passer.
Pas de regard déplacé ou froid. De l’ignorance au pire. Personne ne t’attendait, ici on est occupés. On médite, le temps suit son cour, et si tu es là c’est bien. Si tu t’en vas, c’est pareil.
La méfiance bourrue de l’Autre, étranger, n’a pas l’air au goût du jour.
Je pense à la France, la France fatiguée d’être méfiante.
Est-ce que, comme à la météo, la vague de méfiance va se dégager, jusqu’à tomber dans un vide intergalactique ? Ou bien est-ce que le courant s’installe, durablement, atteignant aussi bientôt la filante Slovénie ?
Plus tard, un monténégrin dira : "Ça a l'air bien comme ça, mais tout le monde se détèste. Car nous étions tous frères, avant." Avant, c'était il y a 25 ans.