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Une vedette miraculée

 

 

 

 

 

Le 25 Septembre 2005, elle monte dans sa voiture et s’assoie sur 500 grammes d’explosif, dissimulés sous son siège. Par miracle dit-elle, son visage n’est pas touché. Elle perdra dans cet attentat sa jambe gauche, et son bras gauche.

Censée être restée pour morte, May est transférée à Paris où elle attend soins et greffes, dans un centre du Val-de-Marne (94) notamment. Les interventions tardent, et May décide alors d’écrire à Jacques Chirac, à l’époque président de la République, autant dépassé par les banlieues qui flambent que par le mouvement contre les CPE (contrat première embauche).

Sept conversations téléphoniques avec le président, neuf mois et vingt-six opérations plus tard, May Chidiac est sur pieds, prête à poursuivre l’entreprise qu’elle avait commencée : l’engagement pour son pays. Elle retourne sur le même plateau télévisé avec la même chemise, se déplace avec la même voiture et la même plaque d’immatriculation. L’air de dire : « je suis toujours là ».

Et May Chidiac est en effet plus que jamais là.

 

Mardi 13 Octobre, elle signait son deuxième livre au 124 rue du Faubourg Saint Honoré dans le huitième arrondissement de Paris, à l’Office du tourisme libanais.

La Télévision mise à nu, publié chez l’Orient des Livres, est à la base une thèse que May a soutenue en 2008. Retravaillée, ce document fait office de référence puis qu’il constitue aujourd’hui l’un des rares travaux sur la télévision libanaise. May Chidiac y évoque la relation particulière qu’entretient le monde politique libanais avec le média audiovisuel, caractérisé par un fort aspect partisan. À chaque parti politique sa chaîne de télévision.

 

 

 

Récompensée plusieurs fois et décorée de la légion d’honneur par Jacques Chirac, le travail de May est internationalement reconnu et sa figure est aujourd’hui associée à la liberté, au journalisme qui n’a pas peur des mots. Qui n’a d’ailleurs peur de rien.

« Elle dit tout » explique Raya, jeune libanaise étudiant à Paris, venue pour la signature.

« Tout », c’est notamment les positions « anti-syriennes » que May Chidiac assume encore aujourd’hui. Le Liban représente pour Damas une zone d’influence et même une partie de la  Syrie naturelle  qui lui aurait été arrachée par la colonisation, ce contre quoi s’opposent les dits « anti-syriens ».

« Elle ne fait pas du politiquement correct, explique un libanais qui attend sa signature. « Elle va au bout de son engagement ».  Quitte à en perdre la vie.

Pour la regagner.

 

L’Histoire du Liban est une histoire de division. Entre Orient et Occident, entre islam et chrétienté. Deux axes, deux visages, toujours.

Aujourd’hui scindée entre l’axe pro-syrien, celui de Bachar-al-Assad, celui de l’Iran et de la Russie, et l’axe américain, celui de l’Arabie Saoudite, de la France, la société libanaise hier déjà se divisait et se subdivisait. Musulmans, chiites d’un côté et sunnites de l’autre, et chrétiens, dont le Courant Patriotique libre (CPL), dirigé par le général Aoun, et le parti de Samir Geagea, officiellement laïc, le Parti des Forces libanaises (FL).

 

 

 

Dès les années 90, la « Claire Chazal libanaise » affiche sa position : Elle fait partie des « anti-syriens », et s’exprime contre la tutelle et la présence syrienne au Liban, ce qui risquera de lui coûter la vie comme cela fut le cas pour de nombreuses victimes d’attentat à la voiture piégée à la même époque, personnalités médiatiques en ligne de mire. Proche du leader du parti FL, sa couleur politique se reflète dans chaque journal qu’elle présente, chaque interview qu’elle donne.  Un journalisme neutre, objectif comme on le défend dans nos Écoles françaises ? May n’en veut pas. « La situation commence à vraiment bouillir » prévient-elle, surprise et rassurée par le récent coup de gueule de Michel Drucker.«Il y a un vrai malaise, et les journalistes vont bien devoir se décider à en parler. À en parler vraiment. »

Objectivité, éthique, professionnalisme… Sa seule règle est l’engagement. Et celle-ci lui a valu le prix mondial de la liberté de la presse, en 2006.

Quelle leçon tirer d’une telle personnalité ? D’un journalisme qui va autant à contre courant de nos méthodes françaises ? Bien-sûr, ses convictions sont à lire et à entendre dans un pays en guerre, qui rend l’engagement plus évident. Mais pourquoi ne pas s’en inspirer, ici en France où le débat s’éteint, où l’on cri à la dépolitisation car chaque nouvel appel au vote raisonne comme un effort insurmontable, et où la moindre Une, la moindre phrase un peu salée fait frissonner un corps entier, criant « polémique » et dénonçant « scandale ».

 

Rien dire, ou ne tout dire qu’à moitié, elle a choisi de dire son camp, sa division, tout en parvenant à rassembler une large communauté autour d’elle, jusqu’à Paris. May Chidiac est une figure de résistance, résistance qu’elle conjugue à chaque étape de sa vie. Journaliste, elle n’en n’est pas moins partisane, militante engagée et assumée. Femme, elle a su prendre une place centrale dans la sphère médiatique libanaise. Martyrisée, marquée à vie, elle n’en est pas moins rayonnante de beauté, de courage. Ce soir elle ne cessait de rire.

 

 

 

 

 

 

 

« Elle dit tout »

L'engagement pour seule règle

Brushing au chic parfait, crinière d’une blondeur assumée, cils dessinés de près, lèvres pulpeuses, May Chidiac crève l’écran depuis plus de trente ans. Aucun âge ne lui correspond, elle vit survit et revit.

Tandis que sa main droite signe chaque livre qu’on lui apporte avec admiration, sa main gauche, immobile à tout jamais, veille. Rien ne l’arrête. Et rien n’arrêtera son goût pour les french manucure, pas même une prothèse qu’il faudra revisser de temps à autre.

Vedette de la télévision libanaise, journaliste, May Chidiac présente son premier journal à l’âge de 21 ans sur LBC (Lebanese Broadcasting Corporation, chaîne de soutient au parti chrétien des forces libanaises crée pendant le guerre civile), elle n’aura de cesse, depuis, de s’engager pour la liberté du Liban, et du peuple libanais. « Je suis pour la paix, et la défense de mon pays ».

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