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Voici l’ogre, blond aux yeux bleus, qui ouvrit mon festival de jazz.

 

Discrètement mais franchement, il s’est installé au bout du pont de la reine Louise, The Dronning Louises Bro, au croisement de la rue Øster Søgade : littéralement « la rue à l’est Des Lacs ». 

Ici, pas de cadenas enlacés, mais une sorte de salon d’extérieur où l’on s’assoit volontiers, par terre ou sur des bancs verts, que je reconnais. Jakob me le confirmera plus tard, ce pont est devenu le lieu du rendez-vous danois, une pause entre deux rives; une sorte de cellule de dégrisement, qui adoucie le passage d’une ivresse, à l’autre.

 

Équipé comme un parfait cinglé en cavale, il sort de sa carriole tout ses ustensiles de cuisine : un cochon rose en latex type jouet pour chien, une perceuse, deux ballons de baudruches, rose puis vert. Et il se met à rire. 

Pas un regard : Musique ! Il suffit de suivre. 

Assit derrière sa batterie, il bat, il frappe, il caresse… se lève et se rassoit. Se tait, et reprend. Se tait à nouveau lorsqu’il entend les sirènes d’une voiture de police, qu’il enregistre, et reprend de plus belle avec les sirènes en fond sonore. Ses pectoraux, qu’il n’a pas, sautent au rythme de ses poignets sur la caisse claire.

 

« Kopenhagen, Kopenhagen… Can you smile me ? Kopenhagen, Kopenhagen, can you hear me… ? Kopenhagen… » Coup de perceuse, dents serrés sorties d’un film d’horreur, il reprend pour frapper plus fort.

Chanson populaire danoise, reprise de Rage against the machine, douceur de Neil Young, rien ne l’arrête; il presse son cochon rose, et rit encore. Applaudissements. 

Un homme assit par terre, en sandale, manque de s’étouffer dans un rire gras.

Is it for the Jazz Festival ? 

I don’t know… But anyway, he is doing his own Jazz Festival ! 

 

Ici on dit que c’est l’été et qu’il fait beau. Mais les débardeurs des plus courageux s’envolent. Parfois il pleut.

Allez, il faut traverser maintenant.

 

A gauche, la blondeur rebelle et ses sandales.

A droite, la blondeur pétillante, malicieuse. Grisonnante de son parent.
Et le chien.

 

 

 

 

 

 

 

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Jazz by the sea

Under the rain.

 

17h.  C’est vrai qu’il fait chaud ici. Humide, comme tropical. Mon vélo a atterrit le long des quais du quartier d’Islands Brygge (littéralement « brasser, orienter, l’île »), dans le sud ouest du centre-ville. Les charmants kaffe de Nørrebro, au nord, semblent avoir disparus, laissant place à d’autres types d’espaces, plus verts, moins investis peut-être, par l’art de vivre doucereux, doucement moelleux, de cette ville.

 

Oui, ici tout semble plus brut. L’eau peut-être ? L’eau du Stadsgraven, le canal qui sépare le quartier de Christianhavn du reste de l’Amargerbro.

 

 

 

 

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Ah. Oui. Ces noms, ces ponts… Ces suffixes que l’on retrouve et dont on s’agace de ne pas saisir le lien topographique, lexical… Tout cela mérite une rapide explication.

 

Le suffixe « bro » à la fin de certains noms de quartiers exprime l’idée d’un « pont ». Un pont, car en fait, avant l’industrialisation de la ville au début des années 1850, Copenhague était une sorte de  « ville des ponts ». Construite autour de ses fameux trois « Lakes », (trois lacs artificiels) les remparts de Copenhague s’arrêtaient à ce qui constitue aujourd’hui le centre-ville : d’Øster Søgade à Christianshavn, lui-même le résultat d’une extension des fortifications, un siècle plus tôt.

Le « danish golden age », c’est à dire la période où s’est intensifiée l’activité industrielle au Danemark, a amené avec lui de nouveaux habitants, les ouvriers, et de nouvelles activités. Pour voir grand, il fallait plus de place. Et il fallait loger. C’est à ce moment que se sont ouverts les remparts d’origines, ouvrant la ville à de nouveaux territoires,  qui donnèrent les actuels quartiers de Norrebro et d’Osterbro, aujourd’hui doux refuges, crème de la crème danoise avec ses chemises en coton biologique et ses plats à base de porridge, mais hier donc, les quartiers ouvriers. 

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Les bords du canal, s’ils ne sont pas infestés de douceur comme ailleurs, sont néanmoins bien vivants.

Haut lieu de l’industrialisation danoise hier, les bords du Stadsgraven ont aujourd’hui été reconvertis en une immense cour de récréation où l’on peut se baigner dans des bassins aménagés, plonger, s’allonger en écoutant de la musique. C’est le Havneparken : le parc du port.

Au bout, il y a un centre culturel tout en verre, avec vue sur le fleuve, et on boit, on mange. Et on écoute du jazz.

Sous la pluie aujourd’hui.

 

Lina et Christian viennent de s’installer ensemble, ils sont en sciences politiques.

Ils disent que le parti qui a remporté le plus de voix, le DF (parti populaire danois), c’est comme le Front National. Avec 21,1% des voix aux législatives du 18 Juin, le DF aurait pu intégrer le gouvernement. Mais ils restent finalement en retrait, déclinant tout responsabilité, et faisant simplement figure de soutient de l'éxecutif.

Pour Azadeh, Lina, Nana, Jakob, ce vote est un vote de la peur. "Ils ont peur, mais ils ne savent même pas de quoi ils ont peur" explique Azadeh, désolée.

Lina termine sa thèse. Elle veut savoir si le processus d’élaboration des lois est bien respecté... Parce qu’elle trouve que ça va un peu trop vite. Son hypothèse est bien évidemment que non, que bien des étapes sont esquivées.
Elle trouve aussi qu’il y en a trop, des lois. Qu'on pourrait se parler. Au lieu d’étrangler les voix, à coup de loi.

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" Et si le végétalisme était la suite logique ? "

TABT LIV du verbe taber : Perdre.

VIES PERDUES

Where do you go ? I go vegan !  

Dans les faits, ça donne par exemple Grød (porridge), un minuscule restaurant où l'on mange... des céréales. Qui sont aussi à vendre.

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Harbo Bar                          

Blågårdsgade 2D

2200 København

L e  d a n o i s  n ’ a  p a s   p e u r   d u   f r o i d.

Quatre jeunes musiciens jouent ce soir au Harbo bar.

La foule commande dedans, et consomme dehors, debout.

 

 

La rue déborde, fuit de retrouvailles, d’explications en tout genres.

Les groupes oublient qu’ils sont là où ils sont, oublient que leurs corps qui réagit, réagi à la musique qui se joue en face d’eux, qu’ils n’entendent pas.

Les sphères se frôlent, se touchent, mais se rencontre peu. Parfois, la conscience revient et l’un prend de la hauteur, fait une rapide ronde, et, s’il juge que tout (lui) va bien, il s’en remet aux autres.

 

Comme il est difficile d’imposer sa propre sphère parmi la houle humaine.

 

Comme il est difficile de sortir de l’observation, de la compassion, de la comparaison. Sans cesse à la recherche d’une chaleur, d’un signe, qui voilerait pour un temps, l’attention.

 

A la recherche d’une chaleur donc.

 

 

 

C’est l’été, le mois de juillet passe, et pourtant il fait une quinzaine de degrés.

 

Le danois n’aurait pas peur du froid ?

 

De qui parle cette photo ? De cette jeune fille, bien occupée ?  Ou de cet homme qui, les bras ballants, se pré-occupe ?

Sûrement des deux !

 

Ici, j’ai vu de grands verres en plastiques, ceux dans lesquels on boit une bière, remplis d’un liquide rose bonbon.

C’était de la limonade à la rhubarbe.

 

Et puis je l’ai vu, lui.

 

Manches relevées, il fout un sacré froid.

Il concentre, absorbe toute la résistance au moment qu’il pourrait y avoir dans cette rue.

 

Sous ses cheveux qui poussent partout, il est une essence d’attention.

 

Une source de chaleur inouïe.

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Vous prendriez bien une petite "tranche de lait" ? 

Ou un morceau du beurre biologique le plus mignon et romantique de la planète ?

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Delicatessen

Quelle délicatesse que d'être une femme, et d'être une femme danoise.

- - -  the show must go on

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